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« La fraternité rempart contre la misère » Bernard Devert

Publié le 4 juillet 2023 00:01

Par Gérald Bouchon

Bernard Devert est le président et fondateur d’Habitat et Humanisme. Régulièrement, il nous fait part de son regard sur la société. Ce mois, son édito s’intitule « La fraternité rempart contre la misère ».

Ecoutez le podcast « La fraternité rempart contre la misère »

La misère ne cesse d’assaillir, rejetant les plus vulnérables dans des lieux si fermés que ne filtre que le ressenti amer de ces lasses interrogations : quand parviendra-t-on à s’en sortir.

Il est toujours possible de se mettre à distance en recherchant des alibis pour ne pas s’inquiéter des effets pervers et dommageables qu’entraîne la perte d’estime de soi.

Nous sentons bien qu’il manque un supplément d’âme créant une dynamique, et même un enthousiasme, pour se libérer de ce poids pesant qui enchaîne les plus vulnérables leur faisant comprendre à demi-mot qu’ils ne sont pas de taille pour relever le défi ; l’épreuve est trop dure.

Un parrainage qui sécurise

Que faut-il défaire ? La perte de confiance. Puis, vient le temps d’un parrainage qui sécurise en offrant un accompagnement traversé par une relation compréhensive et fraternelle.

Il s’agit de comprendre et de se faire comprendre de ceux qui ont perdu l’espoir pour se considérer comme rien, n’ayant rien et n’espérant rien. Trop tard, finalement, disent-ils ! Ils n’osent plus demander ; d’aucuns ne font même pas valoir leurs droits, ce qui n’empêche pas ces jugements absurdes présentant les pauvres comme des profiteurs.

Le Mouvement ATD Quart-Monde a souligné fort judicieusement la nécessité de ne pas laisser se répandre ces propos iniques.

Pour remettre debout ceux qui sont écrasés par la vie, la justice s’impose. Quelle justice ? Pas une simple équité, mais une compassion, laquelle ne s’éveille que là où on met un peu plus sur le plateau de l’aidé pour atténuer son déficit d’image, de confiance et d’espoir.

La compassion est un soin qui lézarde le mal qu’est l’indifférence. L’aidé comprend qu’il est plus que ce qu’il pense, soutenu par la fraternité, formidable levier d’insertion, d’intégration.

La compassion est un soin qui lézarde le mal qu’est l’indifférence

Semaine écoulée, rencontrant en bordure d’un jardin public deux familles roms abritées sous des tentes déchirées ne laissant aucune place à l’idée de vacances, je fus touché par le regard d’une des mamans. Son visage marqué par une grande lassitude a perdu tout éclat mais a gardé une grande noblesse. Depuis plus de dix ans, me dit-elle, je vais d’abri en abri, d’hébergement en hébergement, ne parvenant pas à trouver un logement. Cette fois ci, je suis revenue dans cet arrondissement où mes enfants ont pu être scolarisés pour avoir séjourné dans ce quartier dans un bâtiment vétuste qui a fait l’objet d’un arrêté de péril.

Me connaissant un peu, elle me demande si j’accepterais de baptiser son enfant, il pleure toute la nuit, dit-elle. J’ose lui dire doucement que ce ne sont pas les eaux du baptême qui feront que son bébé ne pleurera plus ; elle me sourit. Je sais, dit-elle, mais c’est important. Je reçois sa parole en la corrélant à ce chant souvent retenu au cours des célébrations baptismales : peuple de baptisés, peuple de frères. Où est-elle cette fraternité ? Comment en suis-je un acteur ?

L’espérance, si elle ne traduit pas, ici et maintenant, une bonne nouvelle qui renouvelle la vie, alors, quelle est-elle ? Un futur, une parenthèse, au pire une illusion mais est-ce notre foi.

La misère aggravée par les voix du mépris

En quittant cette famille – j’étais accompagné du maire d’arrondissement – une personne, habitant un immeuble résidentiel en face de ce campement, interpelle l’élu. « cela suffit ; il faut faire partir ces gens. Ils n’ont pas de place ici. Cette situation n’est pas normale ». « C’est vrai » ajoute le représentant de la mairie. « Vous n’avez pas compris », reprit-elle. « Ce qui n’est pas normal, c’est que vous tolériez qu’ils puissent s’installer dans notre quartier. Qu’ils aillent ailleurs … »

Ailleurs…

Comme si la misère ne suffisait pas, il faut encore qu’elle soit aggravée par les voix du mépris et de l’indifférence. Ne restons pas sourds à l’oreille du cœur qui, seule, fait entendre l’urgence de la fraternité.

Ecoutez aussi :Benoit Hamon (SINGA) :  » Les migrations nous enrichissent… »

Le site Habitat et Humanisme

Fraternité rempart contre la pauvreté
Bernard Devert
La fraternité rempart contre la pauvreté
Gérald Bouchon

Gérald Bouchon

Pionnier des radios libres, passionné de radio, journaliste et dirigeant de médias éco-responsables..

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