Des friches industrielles aux anciens hôpitaux, en passant par les bureaux désertés, un nouveau souffle anime les espaces laissés en suspens dans le paysage urbain lyonnais.
L’urbanisme transitoire, une approche novatrice d’occupation temporaire, transforme des lieux oubliés en plateformes dynamiques. Au service de l’innovation sociale, culturelle et économique. Au cœur de cette métamorphose, des acteurs comme Plateau Urbain orchestrent cette réinvention éphémère. Fort de son expérience parisienne, la coopérative a récemment posé ses valises à Lyon, se voyant confier par la Métropole de Lyon, deux sites emblématiques : l’ancien hôpital Charial devenu les Grandes Voisines à Francheville, et les anciennes usines Bobst et Thyssen métamorphosées en « Le Bob » à Villeurbanne.
Noous avons rencontré Mathias Rouet, urbaniste et directeur des études chez Plateau Urbain, pour décrypter cette démarche et son impact sur le territoire.
Revenant sur la genèse de la coopérative, présente aujourd’hui à Paris, Lyon et Bordeaux, il explique : « C’est d’abord un constat d’urbaniste ou de géographe. En fait, on est une dizaine à être étudiants à l’époque à la Sorbonne, à Paris 1, géographe. On se retrouve régulièrement en se disant qu’on a envie de travailler ensemble. Et le constat arrive qu’il y a un sujet qui n’est pas du tout investi : la question de la vacance des bureaux. Avec en Ile-de-France des dizaines de milliers, voire des millions de mètres carrés vacants et personne ne s’en offusque à l’époque. Donc là, on est en 2010-2013. Et on a l’idée de créer une association qui viendrait répondre à ce besoin-là. Investir des espaces vacants pour les mettre à disposition de gens qui en aurait besoin. »
Ecoutez le podcast
De simple plateforme de mise en relation à un véritable gestionnaire d’espaces
De cette intuition initiale est née Plateau Urbain, une structure qui a rapidement évolué d’une simple plateforme de mise en relation à un véritable gestionnaire d’espaces. « Assez vite, le retour des propriétaires, c’est, en fait, on n’a pas besoin d’être que mis en relation. On a besoin d’avoir un interlocuteur unique,. Parce que nous, ce n’est pas notre métier, en tant que collectivité, promoteur, aménageur, de signer des baux avec 1, 2, 3, 10, 15, 20, 50, 100 structures. Et donc, on se retrouve non seulement à être la plateforme de mise en relation, mais aussi le gestionnaire, en fait un intermédiaire entre un propriétaire et différentes structures, » précise Mathias Rouet.

Aujourd’hui, la mission de Plateau Urbain reste ancrée dans cette volonté de « parvenir à résorber la vacance, en tout cas participer à résorber la vacance. Et permettre à ceux qui en ont besoin, les acteurs des transitions, les acteurs culturels, les associations, le monde de la solidarité d’avoir des locaux » La coopérative s’efforce également de proposer ces espaces aux acteurs de la solidarité pour de l’hébergement lorsque cela est possible, bien qu’elle ne réalise pas elle-même de travail social.
Le premier projet de Plateau Urbain, un petit pavillon à Arcueil, a marqué le début d’une aventure basée sur la confiance. « Quand on nous a proposé de prendre un premier bâtiment à bail pour le soulouer à des structures, c’était un tout petit bâtiment […] Ces premières occupations se sont bien passées et ensuite des propriétaires plus importants sont venus nous chercher avec des biens de plus en plus gros… »
Plateau Urbain étudie chaque situation avant de s’engager dans un projet d’urbanisme transitoire
« Aujourd’hui, on a deux types de biens qu’on occupe. Le premier, des bâtiments qui sont en fin de cycles de vie ou d’usages actuels […] Nous ce qu’on dit, c’est qu’il est tout à fait possible de réemployer encore une nouvelle fois ou deux fois des bâtiments que certains jugent, en fait, aujourd’hui obsolètes, » affirme l’urbaniste. La sécurité des occupants et une durée d’occupation suffisante, rarement inférieure à un an et demi, sont des priorités. Paradoxalement, Plateau Urbain occupe également des bâtiments neufs en attente de preneurs, offrant ainsi une animation temporaire et une valorisation pour les propriétaires.
Parmi les sites emblématiques portés par la coopérative, Mathias Rouet cite Césure à Paris. L’ancienne université Paris 3 transformée en un lieu vibrant accueillant 200 structures, des événements et des services publics. « Un site réemployé, en pleine centralité, avec tout un tas d’usages, y compris des usages publics. Avec une mixité forte, pour le coup, des personnes qui fréquentent le lieu. Ça, c’est un peu notre site emblématique en ce moment. »
Le succès de ces initiatives repose avant tout sur la confiance. Etablie à la fois avec les propriétaires et avec les structures occupantes… « La confiance, c’est vraiment le terme clé […] Il y a d’un côté le propriétaire avec lequel on doit fabriquer un lien de confiance […] Et après, de l’autre côté, il faut aussi de la confiance vis-à-vis des structures qui vont être les structures occupantes qu’on va inviter à venir sur le site… »
Une relation de confiance entre tous les acteurs de l’occupation temporaire
Cette confiance permet de négocier des conditions favorables. Souvent une mise à disposition gratuite en échange de la gestion et de l’entretien du bâtiment par Plateau Urbain,. Et d’assurer que les occupants comprennent la nature temporaire et collective des lieux.
L‘insertion dans le quartier varie selon les projets. Si certains sont en vase clos, la plupart ont une vocation à créer une émulation locale. Et à préfigurer de futurs aménagements urbains, comme c’est le cas à l’Etape 22D avec Le Bob à Villeurbanne.
L’urbanisme transitoire s’est inspiré d’initiatives plus spontanées comme les squats et des réhabilitations publiques de friches. Mais a, depuis, a trouvé sa propre voie. « Des acteurs publics et privés s’en saisissent et l’intègrent dans leur mode de fonctionnement avec des services dédiés au sujet, » constate Mathias Rouet, soulignant l’engagement de la Métropole de Lyon sur cette question.
Cependant, malgré son essor, l’urbanisme transitoire ne suffit pas à résoudre l’ampleur de la vacance immobilière. « On occupe 100 000 m². La vacance immobilière de bureaux en Ile-de-France, c’est 5 millions de m². Donc on est même bien loin des 1%, » reconnaît le directeur des études. L’avenir réside donc dans la combinaison de l’occupation temporaire avec des solutions plus pérennes, comme la transformation de bureaux en logements et la création d’espaces de travail abordables et durables pour les acteurs de la transition.
Ecoutez aussi : Le BOB : entre réinvention urbaine et innovation sociale

0 commentaires